L’apprenant contributeur ?

Dans le cadre de la session transnationale à Liège (Belgique) du 5 au 6 juin 2023. Quelques réflexions ont étés faites sur le projet ApprEUnance.

En consultant les documents officiels faisant références dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnelle, on constate qu’ils sont emprunts d’objectifs qui se veulent répondre aux enjeux sociétaux du moment et de demain.

Il en est ainsi des orientations des États et des Ministères concernés mais également des recommandations de l’institution européenne.

Ainsi, comme tente de le mesurer le CEDEFOP (note d’information du 20 mars 2023), les pays membres sont amenés à mettre en œuvre des politiques de formation en lien avec les priorités de l’Union Européenne à l’horizon 2030. A savoir :

· Mieux s’adapter aux besoins du marché du travail

· Proposer une offre de formation numérisée et écologique

· Assurer l’égalité des chances des apprenants.

Charge aux institutions et aux ingénieurs de formation des pays membres de mettre en œuvre des dispositifs de formation qui répondent aux objectifs visés et permettent les apprentissages nécessaires.

Mais derrière ces priorités louables (bien que peut-être restrictives ?), rares sont les moments où il est donné aux personnes concernées par ces dispositifs de formation, c’est à dire les apprenants eux-mêmes, d’exprimer leurs besoins et ressentis (au-delà des enquêtes liées aux normes « qualité ») et au final de contribuer aux ingénieries.

Comment se vivent les parcours de formation sensés répondre aux priorités institutionnelles ? Sont-ils opérants ? Quels sont les besoins, les attentes des apprenants ? Qu’est-ce qui pourraient permettre de faciliter les apprentissages ? Comment valoriser les apprentissages informels et non-formels ? … sont des exemples de questionnement qui mériteraient d’être investis.

Pour reprendre les théories médiatiques (BRUNS.A, 2009) ou initialement celles de la santé publique (DONABEDIAN.A, 1992), ce temps d’écoute pourrait se positionner comme une première étape vers une logique « d’usager-contributeur » (« produser »).

Ainsi, pour l’ensemble des parcours de formation, comment imaginer un consommateur engagé (l’apprenant) qui participe au contenu qu’il consomme (le programme de formation) ?

Comment le programme « ApprEUnance » peut-il contribuer à sa mesure à ouvrir la voie aux institutions partenaires pour (ré)investir les marges de liberté offertes au sein des dispositifs de formation en plaçant l’apprenant au coeur des démarches d’ingénierie pédagogique ?

Une première étape vers « l’apprenant contributeur » ? :

C’est cette volonté de tendre vers un « éco système contributeur » qui a amené chaque partenaire du programme « ApprEUnance » à recueillir la parole des apprenants.

Le questionnement a voulu différencier les apprentissages qui se situent dans les 3 « lieux de vie des apprenants » ; social, professionnel, et scolaire.

En résumé, 4 même questions posées dans les 3 espaces différents

1. Donnez un exemple concret de situation ou je pense avoir appris ?

2. Comment j’apprends ?

3. Qu’est-ce que j’apprends ?

4. Quelles sont les conditions favorables pour apprendre ?

LES ENSEIGNEMENTS :

L’ébranlement de la forme scolaire :

« On n’apprend pas le piano en écoutant un virtuose » ALAIN, 1932.

Au sein de l’école, la crise liée à la pandémie a mis en évidence des problèmes qui lui été bien antérieurs. Rien de bien nouveau donc mais qu’ils s’agissent d’apprentissage, de relationnel, d’activités, …, les apprenants semblent privilégier des formes scolaires qui s’éloignent du modèle académique traditionnel. La demande auprès de l’équipe éducative est donc beaucoup plus multiforme et quand la démarche de transmission du savoir est mise en avant par les élèves, c’est toujours dans le cas d’un relationnel positif instauré par le formateur.

La place des pairs :

« Il me manque toi, mon alter ego » AUBERT. JL, 2001

Qu’ils soient adolescents ou jeunes adultes, l’importance de « l’alter » (l’autre) est centrale.

Équipe éducative (et pas seulement les formateurs) dans le centre de formation, maîtres de stage et d’apprentissage, collègues au sein de l’entreprise, amis et famille dans le milieu social ; les adultes (notamment) favorisent les conditions de confiance en soi, de bien-être et d’apprentissage (« Les Bonnes fées » ALTER.N, 2023).

Cela est d’autant plus important que comme nous l’avons signalé, les apprenants naviguent dans un univers complexe (au sens de MORIN.E, 1991) entre milieu et centre de formation.

Dans ce contexte, la famille est une « valeur refuge » et occupe une place privilégiée dans l’accompagnement des apprenants.

Apprendre par l’action :

« L’expérience, ce n’est pas ce qui nous arrive, c’est ce que nous faisons avec ce qui nous arrive » HUXLEY.A, 1932

Dans la vie de tous les jours, dans l’entreprise bien sûr et même au sein de l’organisme de formation à travers des projets pédagogiques, la mise en action est plébiscitée par les apprenants.

Ainsi à leur écoute on décrypte les conditions favorables permettant de transformer une expérience en apprentissage :

· Vivre l’expérience dans un contexte favorable,

· Être actif et impliqué,

· Pratiquer de façon répétée,

· Appliquer les leçons apprises dans d’autres situations,

· Recevoir des appréciations constructives,

· Réfléchir sur les expériences vécues.

Des questionnements :

Dans une démarche qui prend en compte « l’apprenant-contributeur », cette approche va maintenant permettre de revisiter les intentions pédagogiques émises par les dispositifs de

formation étudiés en première partie du projet « ApprEUnance » et de les confronter aux aspirations des apprenants.

D’ores et déjà, on entrevoit quelques pistes qui mériteraient d’être explorées afin de proposer des environnements capacitants.

Propositions pour une organisation pédagogique apprenante :

L’écoute des apprenants et les désormais nombreux travaux autour du concept d’apprenance (par exemple CRISTOL.D, depuis 2019), nous donnent des indications sur les conditions favorables à un contexte apprenant et nous permettent de les regrouper autour de 3 dimensions :

· Affective (affects, sentiments, émotions, …, ressenties au contact du savoir, du formateur, du tuteur, de l’expérience, …)

· Conative (dispositions à s’engager dans l’action ; « affordance »)

· Cognitive (capacité à gérer son apprentissage ; savoir, pouvoir, vouloir apprendre)

Dans ce contexte, le concept d’apprenance n’invite-t-il pas les ingénieurs de formation, les pédagogues à porter un regard neuf sur l’acte d’apprentissage ?

Car les apprenants incitent à se focaliser davantage sur eux-mêmes et sur leurs capacités et motivations à apprendre plutôt que sur notre propre action de pédagogue.

La relation pédagogique est ainsi renversée : ils ne demandent pas en priorité de transmettre le savoir mais d’être accompagné à chercher le savoir dans leur environnement (scolaire, socioprofessionnel). Ainsi, comment le pédagogue porte-t-il en priorité un regard sur l’apprenant et son contexte d’apprentissage ?

D’autant qu’avec l’alternance, ce contexte d’apprentissage n’est pas limité à la seule formation formelle et intentionnelle. L’apprenant apprend tout le temps, à tout moment, dans tout lieu.

L’apprenance, ce n’est donc pas seulement l’attitude face à la formation, mais plus globalement face à l’apprentissage.

Ainsi les apprenants invitent à penser le rôle de formateur en donnant toute sa place au sujet apprenant et en favorisant les conditions d’émergence d’environnements « capacitants » (« capabilités » – SEN.A, 2008).

En résumé » : Le centre de formation et singulièrement les formateurs doivent être médiateur entre les ressources et l’apprenant, stimuler la motivation d’apprendre sans oublier d’accompagner les projets de vie des apprenants et animer la communauté des partenaires (familles, maîtres de stage, d’apprentissage, …).

En somme une mission impossible ?

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